mardi 22 avril 2008

Ce n'est qu'un au revoir...

Toutes les bonnes choses ont une fin.

Le web permet, en théorie, l'anonymat. On peut y publier des messages sans que nos visiteurs ne connaissent notre identité. Sans ce facteur sécurisant pour chacun, les blogs n'auraient sûrement pas connu un tel essor ; sans cela, nombre d'individus - et moi le premier - n'auraient pas osé s'exprimer sur la toile aussi librement. Mais tout cela n'est qu'une facade. Le web 2.0, le fabuleux village mondial, ne sont que les illusions d'une liberté sans substance. Chaque acteur du web est surveillé, tracé, fiché ; sur toutes sortes de logs, chacun de nos actes est consigné avec une rigueur effrayante. Cela est vrai pour les simples spectateurs, ceux qui se contentent de consulter des pages et d'écrire des messages. Mais pour les acteurs ! Pour ceux qui ont un blog, un site, qui ont posté beaucoup de messages ici ou là... aussi modestes soient-ils, les acteurs du web sont encore plus tracés et surveillés que les "simples" spectateurs. Surtout quand les informations partagées sont de nature politiquement incorrecte.
Dans quelques années, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts. Mais mes pérégrinations virtuelles, mes notes, mes messages, qu'ils soient sérieux ou drôlatiques, réflexifs ou délirants, ou bien les deux, seront toujours consignés. Et j'y serais toujours lié. Il faut vraiment être naïf pour penser que l'autorité à autre chose à faire que de surveiller les internautes, de constituer des fichiers et de tout centraliser ! Dans quelques années, mes positions sur certains sujets auront sans doute évolué. J'aurais eu le temps de réfléchir à telle ou telle idée ; j'aurais abandonné telle thèse au profit de telle autre, conservé la thèse X et l'aurais étoffée au point d'en faire la thèse Y, au risque de me contredire par rapport à ce que j'aurais pu dire avant. C'est d'autant plus probable que je suis encore (très !) jeune. J'ai la vie devant moi. Mais il n'y a aucun doute : quand je soutiendrais l'idée Y, étoffée, enrichie par l'expérience et la réflexion, il se trouvera sans doute quelqu'un pour ressortir les vieux dossiers et me dire que, en 2008, je soutenais la thèse X... qui sera alors, pour telle ou telle raison, considérée comme compromettante.

Je ne peux pas annuler ce fait. C'est déjà trop tard. Mais je peux encore m'arrêter, le temps de mûrir, le temps de reprendre un peu d'anonymat avant de revenir sur la place publique, si j'y retourne un jour.

En écrivant des notes un tant soit peu sérieuses, je savais plus ou moins que tout serait enregistré et potentiellement ressorti dans le futur. C'est, hélas, une contrainte nécessaire lorsqu'on écrit sur Internet. Néanmoins, j'ai fini par me rendre compte que je n'étais peut-être pas assez mûr pour assumer une telle responsabilité. Puisque ma réflexion n'est encore que balbutiante, que je suis jeune et que je n'aurais pas l'audace de me prétendre réellement mature, pourquoi écrire des choses qui resteront gravés dans la roche électronique ?
Ecrire sur Internet exige un certain accomplissement, une acceptation sereine du destin. Comme tout est enregistré, chaque mot doit être pesé, pensé. Le web est peut-être une jungle bruyante où le visiteur moyen a du mal à s'y retrouver, mais les vrais acteurs du web, ceux qui surveillent, ceux qui se cachent jusqu'au moment fatidique où ils interviendront, n'ont aucun mal à tout archiver.
C'est aussi le cas pour les livres. Mais l'écriture d'un livre nécessite beaucoup plus d'efforts, de réflexion, de volonté, de maturation, que l'entretien d'un blog ou d'un site web.
Si j'avais dix ans de plus, une situation, des thèses déjà bien étoffées, je pourrais légitimement me dire prêt à subir la contrainte de l'archivage permanent. Ce n'est pas le cas. C'est trop tôt.

Il y a aussi le présent, plus immédiat. Trop de gens savent qui je suis, quelle identité se cache derrière mon pseudo. Et cela me dérange. En exposant mon identité privée, je me condamne soit à devoir rester dans les étroites bornes du moralement correct, du politiquement correct, du puritainement correct ; soit à subir, un jour ou l'autre, les foudres de quelqu'un qui se sera ulcéré de l'impertinence de mes propos.

Tout cela est devenu trop pesant. J'ai pris la décision qui s'imposait : la fermeture du blog.

Toutes mes excuses aux lecteurs réguliers, à ceux qui prenaient un peu de temps pour lire mes pavés.

Je tiens à préciser que, parmi les propos que j'ai tenu ici, aucun n'a jamais été dogmatique. Ce blog a eu vocation à proposer des pistes de réflexion, à donner des indications culturelles dont je n'ai jamais garanti l'exhaustivité, et en aucun cas à imposer des dogmes de quelque sorte que ce soit. Ce blog fut une aventure pour quelques temps, un support parmi tant d'autres ; il déclame aujourd'hui son chant du cygne.